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ELEMEN'TERRE PROJECT

 Ce n’est pas la première fois qu’il peint le Groenland. En 2002, il découvre  la  côte-est inhabitée au-dessus du cercle polaire et présente à son retour une exposition  à la galerie Axelle Fine Art  de New-york en hommage à l’écrivain danois Jørn Riel. Enrichi de  cette première expérience,  il récidive en août 2018 en embarquant sur Pen-Duick VI à l'invitation de Marie Tabarly pour parcourir cette fois-ci, le profil de la côte  sud-ouest.

 

 

LE SILENCE DES ICEBERGS

 

 

 C'est le mois d'août. Les oiseaux nouveaux-nés s'envolent vers le sud. Nous sommes au Groenland, un pays lointain, perché sur le toit du monde. Pour y accéder il suffit de suivre l'étoile polaire, celle des Rois Mages de notre enfance. Sur les ailes de la mésange*, dans le souffle du vent, je suis retourné au Pays des « êtres humains » car c'est ainsi que se nomment les peuples qui vivent dans cette île septentrionale de l'extrême nord.

 Lors de mon expédition précédente en 2002, sur la côte est entre le 72ème et 74ème parallèle, dans cette nature  sauvage démesurée, parfois hostile et dépourvue d'humanité, j'avais déjà ressenti cette impression très forte de n'être qu'un grain de poussière dans l'univers, mais aussi d'en représenter le centre. Expérience ontologique quasi mystique qui nous renvoie à notre humble condition humaine, elle est aussi le fruit d'une quête spirituelle sans transcendance que seul le voyage dans sa dimension esthétique peut produire aux yeux de celui qui  se laisse envahir par ce spectacle grandiose. L'immensité, la vacuité, le silence, pour qui sait les apprécier invitent à la rêverie dans ce que Bachelard appelle l'espace de l'ailleurs. Or, le voyage n'est-il pas avant tout cela, partir là où l'on ne s'attend pas, vers un ailleurs, aux confins d'un imaginaire qui nous conduit dans les profondeurs de notre intimité. Que va t'on chercher dans une île perdue où règne l'immobilité d'un hiver éternel sinon l'exploration de sa propre existence. En observant ces paysages féeriques de l'hyperboréal aux dimensions panoramiques sans limite on pense bien sûr à ces visions romantiques immortalisées par les peintures de Caspar David Friedrich, les poésies d'Arthur Rimbaud et de Charles Baudelaire. Je hais le mouvement qui déplace les lignes... écrivait ce dernier dans « La beauté ». Et c'est bien cette poétique de l'espace que nous ressentons intensément dans la relation intime qui nous relie à la splendeur de l'univers où l’immensité spatiale fait écho à l’éternité temporelle.

 

A l'entrée du fjord se dresse un colosse de glace aux allures de monstre. Telle une sentinelle il garde le passage et semble prévenir du danger l'étranger qui se risquerait  à vouloir aller plus loin. Impénétrables à toutes formes de vie les icebergs fascinent. Leur solennité induit  de ceux qui les croisent un silence presque sacral tant ces cathédrales monumentales évoquent la mémoire des  disparus. Comme des âmes errantes ils flottent dans les nuits froides et solitaires de l'arctique. Augustes Bouddhas gelés sur les mers incontemplées selon l'expression du poète Henri Michaux, ils sont les  Phares scintillants de la Mort sans issue, le cri éperdu du silence...

 

 

* Pen Duick signifie «  Mésange à tête noire » en breton

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